Ariane Kalfa, Sigmund Freud et la Psychanalyse

NAISSANCE DE LA PSYCHANALYSE…

Les livres les plus connus de Freud, Totem et tabou, L’Avenir d’une illusion, Moïse et le monothéïsme, dénoncent la pratique archaïque du religieux. Son vécu lui-même, son mariage avec Martha Bernays, dénoncent la pratique religieuse.
Pour Freud,  l’interprétation, le statut de la parole, l’analyse du discours, du rêve et de la transmission constituent le point de départ d’une nouvelle science humaine. Le mot d’esprit, le rêve, le discours, la parole, ne sont que du texte à déchiffrer, ils désignent d’abord eux-mêmes tels qu’ils s’entendent, se prononcent, se formulent, puis plus qu’eux-mêmes, un au-delà d’eux-mêmes, tels qu’ils invitent à l’interprétation, au déchiffrement et au commentaire.

L’importance de la parole par exemple, de la verbalisation, ou pour le dire plus précisément , la « dé-verbalisation », le fonctionnement inconscient d’une parole qui s’inscrit et se « dés-inscrit » sur l’être est fondamentale du point de vue de la psychanalyse.

 

Je souhaiterais rendre compte ici de mon expérience personnelle en tant qu’analyste,  je n’oublie jamais qu’il est dit que l’on ne peut libérer quelqu’un d’une prison dont il ne désire pas sortir, que  les difficultés de la parole, de la verbalisation, de la souffrance donne à re-vivre, à ré-éprouver, à re-ssentir à se re-présenter  une nouvelle fois ou plus précisément, une fois nouvelle comme si c’était la première fois, la souffrance originelle et l’origine même de la souffrance, l’impossibilité même de dire même si cela est nécessaire, car toute souffrance est fondamentalement, par essence indiscible, car aucun mot ne pourra en rendre compte. Et il demeurera toujours un reste. Ce qui reste derrière soi « en quittant un lieu sans se retourner » comme le disait le philosophe Ernst Bloch dans Traces, ce que l’on croit avoir oublié, ce qui est laissé à la traîne… et ce dont la mémoire déborde.
Je souhaiterais également souligner que mon passage de la philosophie à la psychanalyse, signifie un passage du « quoi » aristotélicien au « qui » de la métaphysique et de l’altérité, pour en finir avec le « ti esti » (qu’est-ce que l’étant) aristotélicien et ouvrir les yeux, les oreilles et le cœur au « qui » de l’autre analysant. Qui est-il celui-ci ou celle-ci que le hasard et la nécessité ont enclin à venir jusqu’à moi, moi dont cet autre ne sait rien ou si peu de choses et qui se livre la plupart du temps, comme si j’étais et simultanément comme si je devenais progressivement au détour d’un mot qui ne vient pas ou sur lequel l’analysant trébuche, d’une émotion qui le submerge, d’une larme qu’il retient, d’un sanglot qui éclate, comme si j’étais profondément tour à tour le garant et le témoin de sa propre existence. Comme si son « qui » me posait moi-même comme un « qui », c’est-à-dire comme un être, ancré dans l’existence et par conséquent dans la mort, à ce moment précis, unique, irréductible.
Voilà les prémices de mon rapport à la psychanalyse.