Ariane KALFA La psychanalyse et la souffrance 0610485798

 Comment devient-on psychanalyste ?

La psychanalyse ne s’enseigne pas, ce sont les théories qui s’enseignent. La psychanalyse est tour à tour une transmission et une « réception ».

 Quel avenir pour la psychanalyse ?

 Je suis inquiète pour son avenir car aujourd’hui ce qui compte c’est la vitesse, c’est l’investissement minimal de temps et d’argent. Alors la connaissance de soi s’efface devant des substituts, des pansements qui souhaitent enrayer et contenir une hémorragie, vite et bien alors que le sang continue de couler.

Ces nouvelles méthodes psy participent de l’obscurantisme actuel, de l’apologie et de la glorification de l’ignorance. Elle est le fondement du totalitarisme, plus les êtres sont ignorants et incultes, plus ils sont manipulables, contrôlables et instrumentalisables.

Notre construction intérieure a pris au moins vingt ans et vouloir se transformer, c’est-à-dire se déconstruire, pour se reconstruire autrement et librement, en toute connaissance de cause, et de surcroît, en quelques séances, est une illusion.

 Pourquoi est-ce si facile de se confier pour la plupart des analysants ?

Les analysants ne se confient pas, ils confient leur passé, leur avenir, leur présent, leur vie à un témoin qui l’aide à devenir lui-même, à se révéler à lui-même, tout en l’enveloppant, tout en le protégeant. Il s’agit certes d’une relation de confiance mais la relation d’élection réciproque entre le psychanalyste et l’analysant transcende cette relation pour mettre à nu le cœur et l’âme. Cette relation du secret et de l’intime est une relation de vulnérabilité, de vraie nudité, le psy poursuivant sa propre analyse à travers la confiance que lui attribue le patient. La différence entre les deux ? L’un a connu l’exil du pays de la souffrance, l’autre y est encore captif.

C’est un peu comme dans toute rencontre il s’agit de tendre la main à l’autre. Il y a cette histoire magnifique dans le traité Berakhot, un dialogue entre deux géants du Talmud.  Aimes tu les épreuves ? Aimes tu les souffrances ?  Son ami ne peut lui tendre la main avant qu’il n’avoue ne pas aimer souffrir.

Il s’agira de tendre la main au prisonnier pour qu’il sorte de prison mais encore faut-il qu’il ait la force de haïr ses chaînes. Chaque être humain (sans analyse) aime ses chaînes plus que lui-même, c’est cela également le secret de l’intime.